La scrittura di Aymen Hacen si situa all'incontro, estremamente attuale da un punto di vista sia storico che letterario, tra la poesia araba e la poesia francese. Hacen, tunisino, bilingue, sceglie il francese come lingua di scrittura poetica, ma guarda sempre alla tradizione araba. Nel suo lavoro l'eredità di grandi maestri del Novecento francese come Jacques Dupin e Yves Bonnefoy, con il quale Hacen ha peraltro intrapreso da tempo un ricco dialogo epistolare, è ben percepibile. Tale eredità, nella ricerca di Hacen, si modifica e si rinnova alla luce di un altro mondo poetico, quello di Adonis, di Salah Stétié, di Mahmoud Darwish, solo per citarne alcuni. La difficoltà di questa operazione e la complessità di una tale eredità pesa nei testi di Hacen, non sempre in modo positivo: talvolta l'originalità di una voce personale fatica a uscire; spesso, almeno dal mio punto di vista, le concessioni a un facile lirismo sono troppe, soprattutto se considerate dal punto di vista "europeo", ma forse piú significative e ricche se viste in controluce rispetto alla tradizione araba. I risultati migliori si trovano a mio avviso nelle prose, dove la scrittura assume un'articolazione maggiore, e il discorso poetico sull'esperienza si ramifica. Resta comunque, al di là dei gusti e delle posizioni, l'importanza dell'operazione letteraria di Hacen, il tassello che Hacen aggiunge al dialogo tra piú forme di pensiero. E ciò lo si vede non solo nella sua produzione poetica, ma anche nella febbrile attività di giornalista, critico, pensatore e organizzatore culturale che Hacen, pur giovanissimo, conduce da anni con motivazione e coerenza, a cavallo tra due continenti.
Alessandro De Francesco
ALPHABET DE L’HEURE BLEUE
(Choix de poèmes)
− a −
Que le ciel pose son masque de jour
que cette impénétrable clarté
s’en aille à vau-l’eau
Vienne la nuit où les mots
grumeaux de larmes
s’abyment dans le blanc des yeux
bleu de nuit
lumière
de l’heure bleue
− d −
Dans l’œil à peine éclos
de l’oiseau de nuit
cette lumière ténue
Une voix d’eunuque
enténèbre le crépuscule :
la lune prend air de clarté
à la faveur des chats-huants
l’ombre de proie
passe au travers de l’iris bleu
Dans l’œil noir
de l’oiseau de nuit
le blanc demeure impavide ¯
nid aux ronces bleuies de l’aube
− h −
Par le sang bleu enclos
dans des veines de cendre
par la nuit qui brûle
au bout des langues de feu
par la nuit encore sans faille
qui n’est tout à fait lieu d’ombre
ni sablier où s’égrène le vent
par la nuit sans faille et l’isthme
qui marie l’espace au temps
par le sang qui brûle
dans l’espace-temps
par la nuit immaculée
et l’heure bleue
− i −
Tu n’as pas les yeux bleus de ton père
ni la lumière aqueuse de ses paupières abaissées
ni les rêves qu’il entrevoit par l’échancrure
de sa conscience endormie
Tu n’as pas les yeux bleus de ton père ¯
Tu te maintiens debout
la nuit
ne te fait pas perdre pied
un sillage de parfum
embaume ton silence
les frissons des geais bleus
qui hument ta fierté
présagent un nouvel Âge d’Or :
le thym à tes pieds interpelle
les oliviers en fleurs ¯
– u –
Comme tu ignores tout du théâtre d’ombres
laisse aux maîtres de l’encre de Chine le noir
qui blanchit de peur devant le mouvement du
Temps et la dissymétrie de la ressemblance
Broie du bleu ¯ réflexion de l’heure bleue levante
La gueule de terre s’ouvre pour t’accueillir
nu
beau
et pauvre comme au jour de ta naissance
ombre de toi-même dans ce théâtre d’ombres
tu apprendras à aimer la nuit du tombeau
Pensée de la mort : tu vis de ne pas mourir
– z –
Maintenant tout le ciel est ton alphabet braille
signes saillants larmes enceintes de lumière
dont nulle cécité ne peut voiler l’éclat
maintenant seul tu peux réciter ton bréviaire
la nuit gisant dans tes yeux : vois sans regarder
- Et de la nuit l’heure bleue couronne les veilles
[…]
Jeudi 1er janvier 2004.
Trois heures et quart du matin.
L’idée de tenir un journal me vint en marchant. Cela se passa à peu près de la manière suivante : je traversais une grande route à plusieurs voies, je risquais d’être heurté par un engin quelconque, mais l’idée de tenir un cahier où je ferai état de l’écriture des poèmes de l’Alphabet de l’heure bleue s’imposa violemment à moi.
La précarité de mon corps de piéton correspond au moment de l’écriture. Le poème exclut toute tentative de commentaire. Même l’inspiration, s’il en est, y est occultée. Ces pages tenteront, enfin je l’espère, d’immortaliser des heures d’attente, de travail, d’hésitation et surtout les contraintes qui précèdent la mise au propre d’un fragment, celle qui menace d’être la mise au tombeau à la fois du poème et du poète.
J’entame à cette heure la rédaction de ce Cahier, alors que huit lettres de l’Alphabet de l’heure bleue ont été épelées.
Mardi 13 janvier 2004.
Deux heures du matin.
Je ne m’arroge pas vaniteusement le titre de poète. Je sais que par les temps qui courent la poésie est devenue un luxe et le mot poète une décoration recherchée et jugée de bon aloi. Mais, à mon avis, rien de tout cela n’a de sens, tant la poésie demeure attachée à une quête des plus difficiles et des plus exigeantes. C’est avant tout une quête de soi qui se fait dans le questionnement et dans le tâtonnement les plus périlleux. Car, et c’est là que le bât blesse : comment peut-on se retrouver dans le brouhaha de la facilité, ou encore dans le pompiérisme de quelques paroles gratuites et éphémères? Le mensonge sera sans doute au rendez-vous pour faire semblant de remembrer les lambeaux de la mauvaise conscience. Celle-là même qui met à jour ses propres tribulations, se privant ainsi de la possibilité de renouer avec l’état brut d’une parole vive qui lui demeurera à jamais inaccessible.
Je suis donc poète, et je ne lance pas de diatribes contre les autres pour m’innocenter ; je voudrais seulement retrouver l’instant originel où je pris conscience pour la première fois de la primauté de la poésie dans ma vie.
Le premier livre de langue française que j’aie eu était un dictionnaire. Il était jonché d’illustrations en noir et blanc, mais seuls les drapeaux des nations étaient en couleur. Il s’agissait, car je veillais à ne pas le perdre, du Dictionnaire Larousse des débutants. Je regardais à cette époque, vers l’âge de neuf ans, l’unique chaîne de télévision française que nous captions, Antenne 2, devenue quelques années plus tard France 2, et je griffonnais sur un cahier les mots que je ne comprenais pas avec les explications trouvées dans mon dictionnaire. Ma mère était fière de moi. Pour m’encourager, elle m’offrit un illustré, le magazine PIF, que je lisais religieusement en rénovant mes habitudes. Désormais, je tenais un crayon à la main, mon dictionnaire étant toujours à ma portée, j’étais à l’affût de la moindre difficulté.
Je devais avoir onze ans lorsqu’on me dit pour la première fois : « C’est exceptionnel, tu parles le français comme un livre ! »
L’envie de lire grandissait en moi avec la volonté de maîtriser cette langue d’emprunt qui avait fini par supplanter naturellement ma langue maternelle. D’ailleurs, je ne puis dire que l’arabe est ma langue naturelle, puisque ma mère n’a jamais cessé de m’exhorter à cultiver mon amour pour le français.
Je sentis petit à petit le besoin de saisir par écrit des images que j’entrevoyais au début, mais qui devenaient de plus en plus oppressantes. Si je me donnais à cœur joie à la lecture, l’écriture se révéla beaucoup plus difficile. Les mots me faisaient défaut. Ils ne pouvaient coïncider ni avec les images que je voyais ni avec les sentiments que j’éprouvais.
Mais, un jour, je vis une image qui me dicta les premiers mots d’un premier texte. Je compris bien plus tard que c’était un poème.
Dimanche 18 janvier 2004.
Une heure du matin.
Une semaine s’écoula depuis la composition de la lettre «i» de l’Alphabet de l’heure bleue. La première image, la matrice du poème, me vint de je ne sais où ; elle me sembla si étrange et, en même temps, si intime qu’elle m’horripila, parce qu’elle me mit en face d’un problème que j’avais toujours refoulé. C’est que je pensais que mes différends avec mon père étaient réglés, que je m’étais émancipé de la figure de mon géniteur. Certes, je ne pouvais tenir les mêmes propos qu’un Sartre: «En vérité, la prompte retraite de mon père m’avait gratifié d’un Œdipe fort incomplet: pas de Sur-moi, d’accord, mais point d’agressivité non plus», ou un Cioran: «Avoir commis tous les crimes, hormis celui d’être père». Mais, avec le recul nécessaire à la compréhension d’un pareil imbroglio de l’âme, je m’imaginais être parvenu à une sorte de paix intérieure qui me permettrait de vivre à l’abri de nombreuses complications. Seulement voilà que cette image, qui s’exprima de surcroît en vers et de la manière la plus dense, mit à bas sans coup férir toutes mes défenses.
À la vérité, je fus tenté de me voiler la face en raturant ces mots ; cependant, conscient de la gravité de la situation, je résolus de ne point me faire l’avocat du diable. Les paroles de saint Rémi à Clovis – que la tradition situe le 25 décembre 496, à la suite de la victoire de Tolbiac, lors du baptême du roi –, me furent indispensables: «Courbe humblement la tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré».
J’ai besoin de dire que c’est dans des moments pareils que l’on se rend compte de l’importance de chaque mot appris, de toute histoire ou anecdote retenue, de n’importe quelle idée accueillie…
Je passai donc une nuit blanche à transcrire la suite de ce vers qui, en s’adressant à mon autre moi, celui que j’ai tenté vainement d’effacer, fit appel à un texte orphelin que j’avais écrit il y a plus de deux ans, m’obligeant à le parfaire et à le greffer sur le corps naissant de l’Alphabet de l’heure bleue.
Cette pratique consistant à «copier» un texte et à le «coller» sur un autre, selon le jargon en vogue de l’informatique, n’est nullement indigne de l’écriture, qu’elle soit poétique ou autre. Un texte ne naît jamais ex nihilo, il lui faut toujours un commencement ; cela se nomme l’inspiration, ce dont je parlais tout à l’heure, car j’y crois fermement, dans la mesure où les mots me viennent d’eux-mêmes, même si parfois il faut tout réécrire. Bref, je voudrais dire que l’écriture tient à ces moments où l’on prend la plume la fleur au fusil, sans jamais être ni tout à fait lucide ni inconscient de ce moment d’euphorie.
«Tu n’as pas les yeux bleus de ton père»: ce vers m’a écrit, il m’a révélé à moi-même.
Aymen Hacen
Aymen Hacen è nato a Hammam-Sousse, Tunisia, nel 1981. Dopo aver studiato all’École Normale Supérieure di Tunisi e aver conseguito l’agrégation di Lettere moderne, è oggi dottorando e insegnante presso l’École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines di Lione, Francia. Poeta e saggista, ha pubblicato in Europe e Le Nouveau Recueil. Tra i libri di poesia: Stellaire. Découverte de l’homme gauche (Fata Morgana, 2006) e Alphabet de l’heure bleue (Jean-Pierre Huguet, 2007). Erhebung, dialogo tra ventuno poesie e ventuno fotografie di Yan Tomaszewski, sta per uscire sempre presso Huguet. Tra i saggi: Le gai désespoir de Cioran, saggio sul tragico in letteratura.
È direttore di collezione (Al Kacida, “Il poema”) presso le edizioni Tawbad in Tunisia e codirettore della collezione Bleu Orient presso Huguet. Ha collaborato alla traduzione araba di Poème d’attente di Bernard Noël e ha tradotto in arabo L’instant de ma mort di Maurice Blanchot. Tra le traduzioni in corso: Mythologie de l’homme di Armel Guerne e Absent de Bagdad di Jean-Claude Pirotte.
© Éditions Dar El-Mizen, Hammam-Sousse,
Tunisie, pour la première édition et la postface de Pierre Garrigues, septembre 2005
© Jean-Pierre Huguet, Éditeur, Saint Julien Molin Molette, France, pour la réédition et la préface d’Yves Leclair, mars 2007.